lundi 28 avril 2014

Les étages de végétations au Maroc












« Réunissant sur son territoire toutes les formes du climat méditerranéen, le Maroc peut être considéré comme le type phytogéographique méditerranéen au sens systématique du mot. La végétation des autres pays groupés autour de la Méditerranée pourra être examinée et appréciée en fonction de celle de l’Empire Chérifien, ………….le Maroc, est, à lui seul, une synthèse méditerranéenne »
Louis Emberger (1934)









Remarquable est en effet la géographie du Maroc. Avec ses deux façades maritimes, ses puissantes chaînes de montagnes culminant à plus de 4000 mètres d’altitudes, son Sahara allant jusqu’à sa frontière avec la Mauritanie et sa situation au sud des ondulations du front météorologique polaire et à l’est des oscillations de la cellule subtropicale de haute pression ou Anticyclone des Açores, le Maroc regroupe dans son territoire toutes les variantes du climat méditerranéen, allant du saharien à celui de hautes montagnes.







En effet, de la position du centre de cet Anticyclone dépend la situation météorologique au Maroc : sa montée vers le nord dévie les perturbations atmosphériques vers le nord et laisse le pays sous un climat ensoleillé et sec, sa descente vers le sud permet à ces perturbations d’atteindre le pays qui reçoit des averses plus ou moins importantes. Par ailleurs, les chaînes atlasiques permettent la régénération des systèmes nuageux et la formation d’étages climatiques plus humides en raison des précipitations élevées ainsi générées, alors que le Rif et le Moyen Atlas Oriental sont la cause de l’aridisation du versant méditerranéen et de la basse vallée de la Moulouya à cause de l’effet de Faehln.

À chacune de ces variantes climatiques correspond un type de végétation caractéristique qui reflète les potentialités et les contraintes écologiques et géographiques du milieu, car la végétation est la réplique du climat, elle est sa meilleure indicatrice. À chaque étage climatique correspond donc un étage de végétation comportant des formations végétales homologues quant à leurs exigences et capacités écologiques, on parle alors d’étages bioclimatiques.



Suivant la classification synthétique d’Emberger, on distingue six étages bioclimatiques méditerranéens :

l’étage saharien                     (moins de 100mm/an)
l’étage aride                          (moins de 300mm/an)
l’étage semi-aride                  (de 300 à 600mm/an)
l’étage subhumide                  (de 600 à 900mm/an)
l’étage humide                      (de 900 à 1200mm/an)
L’étage de haute montagne              (froid et sec)


De prime abord, ces étages bioclimatiques semblent très différents les uns des autres, néanmoins ils sont tous méditerranéens, leur dénominateur commun se résume ainsi : Les pluies tombent en hiver alors que l’été est sec. C’est le caractère essentiel du climat méditerranéen, car c’est le seul climat au  monde qui présente cette particularité. Mais ce climat n’est pas strictement propre à la région méditerranéenne, il existe aussi dans d’autres parties du globe, en Afrique du sud, en Australie, en Californie et au Chili.


  
Les étages de végétation sont donc très diversifiés et comportent une végétation adaptée à la sécheresse estivale. Mais les conditions sont plus douces comparées à celles qui prévalent dans d’autres pays circum-méditerranéens d’Afrique du Nord et de l’Asie occidentale grâce à l’action régulatrice et adoucissante de l’océan Atlantique.

On constate une décroissance de l’humidité du nord au sud et de l’ouest vers l’est, en raison du front météorologique polaire qui atteint rarement le sud et de la continentalité qui s’accentue au fur et à mesure que l’on s’éloigne vers l’Oriental. C’est la raison pour laquelle les étages humide et subhumide occupent de faibles surfaces par rapport aux étages arides et semi-arides. En fait c’est la présence des montagnes qui a favorisé l’installation des étages les plus arrosés puisque l’altitude compense la latitude comme on a évoqué précédemment.

Chacun de ces étages peut être subdivisé en plusieurs variantes dont le caractère différentiel est m, la moyenne des minima du mois le plus froid. Mais pour ne citer que les sous-étages les plus évidents, deux formes s’imposent, l’une appelée chaude ou océanique, l’autre froide ou continentale.

Chaque étage comporte des groupements végétaux ayant les mêmes exigences écologiques. Mais certaines essences sont très plastiques comme le chêne vert qui s’accommode des climats méditerranéens semi-arides, subhumide et humide ; alors que d’autres sont cantonnées strictement dans un étage donné comme le thuya qui est exclusivement lié à la variante douce de l’étage semi-aride.

L’étage de végétation méditerranéen saharien.



L’étage méditerranéen saharien s’étend d’une ligne reliant approximativement la vallée de l’Oued Draâ, jusqu'à la frontière du Maroc avec la Mauritanie. Le caractère méditerranéen de cet étage réside dans la périodicité annuelle des pluies qui tombent pendant la saison d’hivers, alors que l’été est sec bien qu’à sont extrême sud les pluies aient tendance à tomber en été. La proximité de la côte atlantique atténue la sévérité des conditions écologiques en raison de l’action thermostatique de l’océan et des précipitations occultes nocturnes.

La pluviosité si insuffisante soit-elle, combinée à des températures très douces des hivers, et à une faible amplitude thermique annuelle, confèrent à la végétation des caractères spéciaux, différents de ceux qui prévalent dans les étages méditerranéens à hivers froids, et différents de ceux des plantes des déserts vrais, adaptées à des périodes de sécheresse absolue durant  plusieurs années. En effet, même en dehors des lits d’Oueds, une végétation permanente existe mais très clairsemée, elle ne manque pas au fond des vallées et dans les ravins à fortiori. Les acacias qui forment l’élément arboré sont de faible densité et marquent un repos végétatif en été, rappelant ainsi les savanes tropicales.

La nature physico-chimique du substratum édaphique commande la répartition de la végétation. Les acacias Raddiana, Seyal et gummifera s’installent là où le sol est sablonneux et profond. Sur les sols argileux et caillouteux du Reg dur, pousse une végétation éparse de Nanophanérophytes dont la plus remarquable est l’espèce endémique Anabasis aretioides. Dans les Hamadas rocheuses, croissent Capparis spinosa, Rhus oxyacanta entre autres. Sur les petites dunes de sable sur horizon argileux poussent Retama raetam et Aristida pungens.

Dans les Oueds où l’eau est permanente, croissent des Tamarix, ‘(T.articulata) des lauriers roses(Nerium oleander), des Vitex. Le Jujubier devient ici ripicole et pousse dans les dépressions temporairement humides.




 L’étage de végétation méditerranéen aride.




Cet étage occupe d’énormes surfaces au Maroc. Au nord de l’étage saharien, il envahit tout l’Anti Atlas et le Sagho en respectant leurs sommets, le Sous est entièrement dans son domaine qui se prolonge profondément dans les vallées du Haut Atlas. Tout le versant sud de cette chaîne lui appartient, il contourne le Grand Atlas Oriental et s’étend sur tout le Maroc oriental en entourant les crêtes des reliefs, et occupe toute la vallée de l’Oued Moulouya à cause de l’écran que forme le Moyen Atlas.

Au nord du Haut Atlas l’étage bioclimatique aride forme une grande enclave dans le Haouz-Tadla qui va jusqu’au pied de la montagne. Ce qui montre l’importance et le rôle de l‘Atlas qui, sans lui, l’étage aride se prolongerait jusqu’à l’Oriental.

Dans les pays circum-méditerranéens, on ne trouve cet étage qu’en Asie Occidentale et en Afrique du Nord, les pays de la rive nord de cette mer ne sont pas aussi secs. En dehors de la Région méditerranéenne, cet étage est représenté en Afrique du Sud, au sud de la Californie, au centre du Chili et en Australie.


L’étage de végétation aride est caractérisé par une faible pluviosité aggravée par des températures élevées qui accentuent la sécheresse par une forte évapotranspiration. Deux variantes se différencient nettement dans cet étage, l’une à hivers chauds qui permet le développement d’une végétation forestière et qu’on pourrait appeler étage aride arboré, l’autre à hivers très froids et à étés très chauds et venteux.

En raison de l’éloignement de l’océan, l’amplitude thermique augmente, le gel des hivers engourdit les plantes et le printemps est trop bref pour permettre une longue période de végétation. Aussi les arbres sont-ils absents dans le paysage botanique de ce sous étage qu’on pourrait appeler étage aride asylvatique. Seules les berges des cours d’eau et les ravins bénéficiant de bonnes conditions hydrologiques, peuvent abriter des formations ligneuses.


L’étage de végétation aride arboré, chaud ou océanique, est caractérisé au Maroc par la forêt d’arganier qui est localisée essentiellement dans le Sous et sur les versants atlasiques avoisinant. L’arganier déborde vers le nord en se mélangeant avec le thuya, et vers le sud en montant à l’assaut des pentes de l’Anti Atlas.


L’aire naturelle de l’Arganier était probablement beaucoup plus vaste à un certain moment de son histoire car plusieurs stations isolées ont été signalées en dehors de son aire actuelle, aux environs d’Amizmiz et de Chichaoua. Les stations les plus éloignées ont été signalées aux environs de Berkane dans la basse vallée de la Moulouya, et dans la vallée moyenne de l’Oued Grou aux environs de Rommani. Cette dernière station existe toujours, elle a été redécouverte récemment par les agents du service forestier local.





Par ailleurs l’enclave du Haouz-Tadla, qui fait partie de ce sous étage, était jadis recouverte d’une savane d’Acacia gummifera accompagné de jujubier(Zizyphus Lotus), il en est de même pour le bassin de la Moulouya inférieure où l’Acacia est remplacé par le Pistachier de l’Atlas. Cette végétation a disparu sous la pression anthropique, seule l’Arganeraie subsiste encore en raison des différents services qu’elle rend dont l’évidence a poussé les populations usufruitières à mieux la respecter.

La végétation des bords des Oueds est essentiellement composée de Tamarix, de peuplier blanc(Populus alba), de laurier rose(Nerium Oleander) et de Vitex Agnus castus.

La forêt d’Argania spinosa, qui est une espèce endémique, est très claire en raison de l’exploitation agroforestière spéciale dont elle fait l’objet. L’Arganeraie primitive était plus dense avec un sous-bois abondant de Zizyphus et de Cytise. Sur les parties très douces du littoral, qui relèvent de l’étage semi-aride, des espèces succulentes accompagnent l’Arganier : les Euphorbes cactiformes, Kleinia, Senecio, l’Oléastre, le Lentisque, le Tizra, Acacia gummifera et des lianes. Dans le pays nettement aride, on trouve le Jujubier, le Pistachier de l’Atlas, Euphorbia Echinus etc.


L’étage méditerranéen aride asylvatique, est caractérisé sur les hauts plateaux de l’Oriental et dans la haute vallée de la Moulouya, par la steppe d’Alfa(Stipa tenacissima) et d’Armoise ou Chih(Artemisia Herba alba), qui se partagent le terrain en fonction de la nature du sol. L’Alfa préfère les sols sableux et rocheux bien drainés, alors que le Chih affectionne les sols argileux. Le long des cours d’eau, poussent Populus alba et Populus euphratica ainsi que le Saule (Salix purpurea). Zizyphus Lotus et Retama ne sont pas rares dans les Oueds temporaires.

Dans cette steppe d’Alfa alternant à perte de vue avec l’Artemisiaie de Chih, seules les espèces hallophiles comme les Atriplex et Salsola vermiculata, viennent rompre la monotonie du paysage botanique de ces immenses solitudes de l’Oriental où la rigueur de l’hiver et le soleil de plomb de l’été, interdisent aux arbres de se développer.




 L’étage de végétation méditerranéen semi-aride.




Cet étage occupe une grande place en Afrique du Nord, en Asie Mineure et en Espagne. Il est peu différencié dans la rive nord de la Méditerranée où, en France, en Italie et en Grèce, il ne baigne que de faibles étendues. Ailleurs, on le trouve en Californie, en Afrique du Sud, en Australie et au Chili.

Au Maroc, cet étage s’étend, au nord de l’étage aride arboré et à l’ouest de l’étage aride asylvatique de l’Oriental, sur toutes les plaines et les altitudes moyennes. Il respecte et entoure les altitudes plus élevées où se sont individualiser des îlots plus humides se rattachant aux étages bioclimatiques subhumide, humide et de haute montagne. Néanmoins, sa variante froide succède aux étages précités dans les montagnes élevées et continentales. Quelques îlots de moindre importance émergent sur les crêtes des chaînes de montagnes baignant dans l’étage aride.

Comparé à l’étage aride, cet étage est soit plus humide soit moins torride, la diminution des maxima thermiques entraîne une diminution de l’évapotranspiration. La Pluviosité compense les hautes températures et inversement, les basses températures atténuent les effets de l’aridité.

Trois variantes sont nettement distinguées à l’intérieur de cet étage : la variante douce ou océanique où les hivers sont doux(la moyenne des minima du mois le plus froid m est nettement au-dessus de zéro), la variante moyenne où m est voisine de zéro, et la variante froide où m est nettement au-dessous de zéro. Cette différentiation est due à la continentalité et à l’élévation en altitude ainsi qu’aux conditions orographiques particulières.

Les groupements végétaux qui se développent dans cet étage sont en conséquence très diversifiés, mais chacune des trois variantes porte un type de végétation qui lui est propre. La variante douce est caractérisée par la forêt de thuya(Tetraclinis articulata), qui est strictement cantonnée dans ce sous-étage, la forêt de Pin d’Alep et celle du Cyprès de l’Atlas. L’Arganier est ici à la limite de son aire naturelle, alors que le Chêne-vert fait son apparition. La Suberaie semi-aride se localise dans la région de Rabat Dans les sols argileux, cette variante est caractérisée par l’Oléo-Lenticetum.


Le sous étage moyen est caractérisé par la le Genévrier rouge(Juniperus phoenicea), alors que la variante froide est le règne du Genévrier thurifère(Juniperus thurifera) qui ne sort pas de son sous-étage et qui est l’arbre qui monte le plus haut dans nos chaînes atlasiques.

Le thuya et le thurifère sont les seuls à se cantonner dans leurs sous-étage respectifs, les autres espèces sont plus plastiques et peuvent croître dans d’autres étages comme le chêne-liège qui est ici à sa limite inférieure et l’Arganier qui est à sa limite supérieure.

Le thuya est presque un arbre endémique du Maghreb car il n’occupe que de faibles surfaces au sud de l’Espagne et à l’île Malte. Au Maroc, il tient une grande place. On le trouve dans le Rif sur les versants méditerranéen et oriental, dans le bassin de la basse Moulouya, dans le Moyen Atlas oriental et occidental, dans le Plateau Central, sur le versant nord de l’Anti-Atlas, dans le Haut Atlas et dans la région d’Essaouira où il atteint le littoral. Cette Callitriaie d’Essaouira est remarquable par la présence de plusieurs espèces qu’on retrouve dans la Suberaie de Mamora.

Le Genévrier rouge remplace le thuya dans les stations où les températures hivernales sont basses en raison de l’augmentation de la continentalité ou de l’altitude. Mais on trouve ce Genévrier sur le littoral dans quelques stations sur les dunes maritimes, là où le substrat sablonneux empêche d’autres essences de le concurrencer.

La forêt de Genévrier rouge est très dégradée, elle a reculé sur d’énormes surfaces, sa dégradation est plus profonde que celle de la Callitriaie. Cette essence résiste peu au feu et rejette moins bien de souche que le thuya, qualité si rare chez les résineux. Les dunes d’Essaouira étaient jadis occupées par le Genévrier rouge, sa destruction avait causé la mobilisation de ces dunes qui ont fait l’objet d’un programme de fixation réalisé par le service forestier.

Quant au Genévrier thurifère, il est l’arbre de la variante froide de l’étage semi-aride qui fait la transition, en montagnes continentales, entre les étages humide et subhumide et celui de hautes montagnes. Il est absent dans le Rif, assez répandu sur le versant sud du Moyen Atlas et occupe une place importante dans le Haut Atlas.
   
La forêt de chêne-liège semi-aride classique est celle de la Mamora, quelques peuplements de moindre importance existent au sud de Rabat. Les suberaies qui existent au nord du Gharb baignent dans le subhumide. Ces deux blocs formaient probablement dans un passé lointain, une gigantesque forêt allant de la région de Rabat à celle de Larache que les crues du Sebou auraient séparée, l’action de l’homme avait par la suite accentuer leur recul.


Le cortège floristique du Chêne-liège dans cet étage est composé sur sol sablonneux du poirier sauvage(Pirus mamorensis), de Passerine(Thymelaea lytroidees) de Cytise(Cytisus linifolius), de Cistes, de Lavandes de Ferula communis, Solanum sodomeum et de Doum(Chamaerops humilis) dans les sols riches en argile etc. Sur sols durs on voit apparaître Zizyphus Lotus, le Tizra(Rhus pentaphylla), Cistus monspeliensis, le Myrte(Myrtus communis)

Le pin d’Alep est un arbre typique du climat méditerranéen semi-aride il occupe un niveau écologique intermédiaire entre le thuya, qui est plus xérophile, et le Genévrier rouge qui résiste plus au froid. Les peuplements de ce pin sont un peu dispersés dans le Rif, le Moyen et le Haut Atlas. C’est sur le versant méditerranéen du pays, qu’ils sont les plus importants, sur le versant atlantique on les trouve dans les vallées de la Téçaout, de l’Oued Ahansal et du Sous supérieur

Enfin, le Cyprès de l’Atlas(Cupressus atlantica) qui est la variété marocaine de C.sempervirens que Gaussen avait relevé au rang d’espèce, est endémique du Maroc. On ne le trouve qu’en Haut Atlas dans la moitié supérieure de l’Oued Nfis en mélange avec le Genévrier rouge dans la vallée de l’Aghbar.



 L’étage de végétation méditerranéen subhumide.



Le climat de cet étage est le climat méditerranéen classique de la rive nord de la Méditerranée, il est celui du Midi de la France, de l’Italie centrale, de la Grèce…. On le trouve également au Cap, en Grèce, en Australie, en Californie et au Chili.

Au Maroc, cet étage occupe généralement les montagnes moyennes et ne descend dans la plaine que sur la côte atlantique au nord de Rabat où la pluviosité élevée et les précipitations occultes(rosée nocturnes) permettent l’installation de cet étage. Il occupe moins d’espace que les étages précédents, on le trouve dans le Rif, la plus grande partie du Moyen Atlas lui appartient ainsi que les altitudes moyennes du versant nord du Haut Atlas. Mais sur les versants saharien et méditerranéen de cette chaîne, le subhumide est peu différencié en raison de leur déficit pluviométrique. Dans l’Anti Atlas occidental, sur le massif du Kest, l’altitude, la pluviosité et la proximité de l’océan ont permis la différentiation d’un îlot subhumide intéressant.

L’étage de végétation méditerranéen subhumide est dominé par le Chêne-vert(Quercus Ilex) qui tient sa première place dans cet étage, et qui couvre les basses altitudes du Rif et les versants du Moyen Atlas et du Haut Atlas exposés à l’haleine de l’Océan Atlantique. On le rencontre aussi dans la région d’Oulmès et dans l’Anti Atlas occidental. Les Chênaies de Chêne-vert forment, dans cet étage, le ciment dans lequel se détachent des îlots de Chêne-liège, de Pin maritime, de Chêne-Zeen et de Cèdre de l’Atlas. Les deux dernières essences sont à la limite inférieure de leur aire naturelle(l’étage humide).

Les suberaies subhumides existent dans le Rif occidental, dans le nord-ouest du Gharb, sur le Plateau Central et au nord de Taza. Dans le Rif, le Chêne-liège apparaît dans la brousse à Olea-Pistacia dès que le terrain devient moins argileux, il est accompagné de bruyère(Erica arborea), d’Arbousier(Arbutus Unedo) et Halimium halimifolium.

Les forêts de Chêne-liège subhumides les plus importantes sont celle de la région d’Oulmès. elles sont riches en sous-bois qui se compose de Quercus Ilex, Olea europea, Arbutus Unedo, Pistacia Lentiscus, Genista quadriflora, des Cytises, des Cistaies et des Lavandes. Dans les forêts de Timeksaouine et de Tiliouine, il existe une remarquable répartition des versants entre le Chêne-liège, qui occupe les expositions nord, et le thuya qui s’accommode des expositions sud moins humides et plus douces en hiver.



Celles de Taza ont en plus Erica arborea, Juniperus Oxycedrus et l Aubépine(Crataegus monogyna). Celles du nord-ouest du Gharb sont caractérisées par la fougère aigle(Pteris aquilina), Myrtus communis, Pirus mamorensis, Ormenis mixta.

Les peuplements de Pin maritime(Pinus pinaster variété mogrebiana) de l’étage subhumide sont dispersés dans le Rif occidental, dans le Moyen Atlas oriental et celui de la région d’Ifrane. Ils sont rares dans le Haut Atlas. Le Pin maritime croît généralement en mélange avec le Chêne-vert, le Genévrier Oxycèdre et quelquefois avec le Pin d’Alep dans les stations les plus sèches. On le rencontre entre 1000 et 1900 mètres d’altitude dans le Rif, et entre 1500 et 2200 mètres dans le Moyen et le Grand Atlas.

Il est à signaler que le Chêne Kermès(Quercus Coccifera) qui est très rare au Maroc n’existe que sur le versant méditerranéen de la chaîne rifaine et au sud de Taza. Il se présente généralement sous sa forme arbustive.









 L’étage de végétation méditerranéen humide.


Le climat méditerranéen humide est le moins sec de tous les climats méditerranéens, l’étage de végétation qui en est la réplique est le nec plus ultra de nos milieux forestiers. La pluviosité n’est nulle part au Maroc plus élevée. Bien que les étés soient toujours secs comme c’est le cas pour tout climat méditerranéen, il n’en demeure pas moins que les orages sont assez fréquents surtout en montagne et sont favorables à la régénération naturelle des forêts puisqu’ils permettent aux semis de bénéficier d’une escale technique pour dépasser le cap stressant de la saison sèche.

Cet étage est localisé au Maroc entre l’étage de végétation subhumide à qui il succède en altitude, et l’étage semi-aride froid qui le domine aux sommets des hautes montagnes. Il existe aussi en Algérie et en Tunisie dans les zones les plus arrosées, ainsi qu’en Asie Mineur. En Europe occidentale, on le trouve en France, Italie, Balkans et péninsule Ibérique, faisant la transition entre le climat méditerranéen et le climat de l’Europe tempérée. En dehors de la Méditerranée, il n’existe qu’en Californie.

Au Maroc il existe sous forme de lambeaux dispersés sur le Rif, le Moyen Atlas et le Grand Atlas. Dans le Rif, on le trouve dans le Tangérois et les sommets de la chaîne. Dans le Moyen Atlas, il existe au sud de Taza, dans la région d’Ifrane-Azrou, et sur les sommets de la partie occidentale de cette chaîne. Dans le Haut Atlas, il ne se développe que sur le versant nord et existe sous forme d’îlots disséminés entre les Seksaoua et les montagnes du Masker et d’El Ayachi.

Dans les forêts les moins dégradées par l’homme, la richesse de l’étage humide en espèces arborescentes et arbustives(Phanérophytes), la densité et l’aspect des peuplements, rappellent les forêts ombrophiles intertropicales, toutes proportions étant évidemment gardées. L’étage méditerranéen humide est le milieu du Cèdre de l’Atlas, du Sapin du Maroc, du Pin maritime, des Chênes à feuilles caduques : le Chêne Zeen(Quercus faginea) et le Chêne Tauzin(Quercus Toza), ainsi que des Chênes à feuilles persistantes : Quercus Ilex et Quercus Suber.

Parmi les espèces Phanérophytes accompagnatrices les plus importantes, on peut citer :

Le Genévrier Oxycèdre(Juniperus Oxycedrus) qui occupe une grande place, l’Erable de Montpellier(Acer monspessulanum), l’If(Taxus baccata), le Houx(Ilex aquifolium), le Rosier(Rosa canina), le Bouleau(Betula alba), les Aubépines(Crataegus monogyna, C.Lacineata), les Alisiers(Sorbus torminalis et S. aria), les Ronces(Rubus ulmifolius), les lianes qui grimpent sur les arbres(Smilax aspera, Hedera helix, Clematis cirrosa)….etc.…

 Les forêts de conifères.


Le cèdre de l’Atlas est une espèce endémique du Maroc et de l’Algérie. Au Maroc, il trouve son optimum écologique dans l’étage humide froid. Il existe dans le Rif, le Moyen Atlas et le Haut Atlas oriental, où il occupe les versants exposés à l’action bienfaitrice des vents d’ouest chargés d’humidité. Il fait son apparition à une altitude inférieure qui varie entre 1350 et 2000 mètres en fonction des conditions stationnelles. Plus les conditions sont favorables, plus le cèdre descend dans les ravins à sa limite inférieure. Sa limite supérieure oscille entre 2700 et 2800 mètres, elle est donc presque constante comparée à son altitude minimale. Au-dessus du cèdre, seul le Genévrier thurifère peut pousser dans cet étage semi-aride froid des hautes altitudes marocaines, accompagné des xérophytes épineux.


Mais le thurifère peut être un des éléments des cédraies très continentales qui sont moins humides et qu’on trouve dans le Haut Atlas oriental et sur le versant sud du Moyen Atlas. Il est généralement très rare dans les cédraies d’Azrou et d’Ifrane où la pluviosité est élevée. Les cédraies avec thurifère sont peu denses et dépourvues d’espèces fidèles au cèdre telles : l’If, le Houx, l’Erable, Sorbus. Le Chêne vert y est rare.

Le cèdre de l’Atlas est une espèce à tempérament continental, et c’est probablement la raison pour laquelle il est absent dans le Grand Atlas occidental qui est suffisamment humide mais trop océanique pour convenir à cet arbre remarquable.

Quant au Sapin du Maroc (Abies pinsapo ssp. Maroccana), il n’existe que dans le Rif, sur les montagnes calcaires à l’est de la ville de Chefchaouène, à des altitudes variant entre 1300 et 2100 mètres. Il est accompagné du cèdre qui le domine sur les crêtes, de Pin maritime, de pin noir, de Chêne vert, de Chêne Zeen, de Genévrier Oxycèdre, d’If(Taxus baccata), d’Aubépines. etc.


Le Pin maritime du Maroc(Pinus pinaster ssp. Hamiltonii. Var. moghrebiana et var. iberica) de l’étage méditerranéen humide existe dans le Rif et le Moyen Atlas. Dans le Rif il se mélange avec le cèdre, le Sapin, le Chêne-liège ou le Chêne vert selon la nature du substratum.




Le Chêne-liège qui est calcifuge domine sur sols siliceux. Dans le Moyen Atlas, les pinèdes sont plus importantes et forment de belles futaies peu mélangées avec le cèdre, l’Oxycèdre et le Chêne vert. Il est à noter que la race marocaine croît parfaitement sur sols calcaires, ce qui n’est pas le cas pour le pin maritime des Landes(P pinaster ssp. atlantica) qui est nettement calcifuge.


Par ailleurs, il existe dans le Rif quelques peuplements de Pin noir du Maroc(Pinus nigra ssp moghrebiana), qui est une remarquable relique floristique.



 les forêts de feuillus.


Quatre espèces de Chêne forment des forêts dans l’étage bioclimatique humide : le Chêne vert(Quercus Ilex), le Chêne-liège(Quercus Suber), le Chêne Zeen(Quercus faginea) et le Chêne Tauzin(Quercus Toza). Seules les deux dernières espèces sont à feuilles caduques.

Le Chêne vert se comporte fièrement dans cet étage où il forme de belles futaies surtout dans le Moyen Atlas. Les Chênaies de Quercus Ilex de la forêt d’Azrou et celles du massif de Tazekka sont très démonstratives à cet égard. On en trouve aussi dans le Rif, dans les ravins humides de la région d’Oulmès et ceux du Haut Atlas où elles ne peuvent se différencier que sur de petites surfaces. Ces Forêts prennent pied sur des terrains à sols profonds. Elles sont riches en humus, en Mousses et en Lichens. Leur cortège floristique comporte : Juniperus Oxycedrus, Acer monspessulanum, Taxus baccata, Sorbus torminalis, Ilex aquifolium, Rosa sp., Rubus ulmifolius, Ruscus aculeatus, Crataegus monogyna et des lianes qui grimpent sur arbres comme Smilax aspera, Hedera helix, Clematis sp.. Les Cistes se rencontrent dans les clairières(Cistus laurifolius et Cistus salviifolius.).


Le Chêne-liège existe aussi dans l’étage méditerranéen humide, mais l’excès d’humidité et de froid l’élimine au bénéfice du Chêne Zeen et du Chêne vert qui est l’espèce la plus plastique de nos essences forestières.




C’est ainsi que, dans cet étage, le Chêne-liège n’existe que dans le Rif occidental et central, et dans le massif du Tazzeka au sud-ouest de la ville de Taza. Son cortège floristique se compose de Erica arborea, de Cytisus triflorus, la Fougère aigle(Pteris aquilina), de Cistes.etc. Dans le Rif les autres Chênes se mélangent à lui, les Cistaies sont un élément permanent du paysage floristique de ces milieux.

Le Chêne Zeen et le Chêne Tauzin sont les seuls Chênes à feuilles caduques que nous ayons. Le jaunissement printanier du feuillage de leurs peuplements donne aux paysages un éclat particulier rappelant les forêts décidues des régions à climat tempéré d’Europe.


Le Chêne Zeen existe surtout dans la partie occidentale du Rif, dans le Tangérois, dans le Moyen Atlas et sur le Plateau Central, dans les forêts d’Oulmès, il est une rareté dans le Haut Atlas. Il occupe les stations les plus humides où ni le Chêne-vert, ni le Chêne-liège, ni le Cèdre ne peuvent le concurrencer. Le fait de sa présence sur ces trois chaînes et sa raréfaction en allant du nord vers le sud laisse supposer qu’il fut un temps où un climat plus humide régnait sur le Maroc et où cette essence forestière aurait occupé une aire très étendue.

La forêt de Djaâba qui existe entre El Hajeb et Ifrane, est presque pure, elle a un sous-bois composé d’espèces accompagnant le Chêne-vert et le Cèdre comme Crataegus monogyna, Rubus ulmifolius, Rosa canina. Etc. on y rencontre aussi le Chêne-vert et le Chêne-liège. Cette dernière essence, étant calcifuge, ne se rencontre que sur les coulées basaltiques qui étaient recouvertes d’une Suberaie que le Chêne-Zeen avait complètement envahie.

Quant au Chêne Tauzin, il ne se trouve que dans le Rif où il n’occupe que de faibles surfaces dans la région de Chefchaouène et dans le Tangérois. Dans les stations humides et embrumées, il forme des forêts denses en raison de sa grande capacité de drageonner. Il se mélange aux trois autres Chênes à son horizon inférieur, et au Cèdre à sa limite supérieure. Parmi les espèces accompagnatrices on peut citer ; Crataegus monogyna, Daphne Laureola, D. Gnidium, les Cytises et les Cistes.



 L’étage de végétation méditerranéen de hautes montagnes.


L’étage de végétation méditerranéen de hautes montagnes, succède en altitude à l’étage semi-aride froid. Le climat qui le conditionne est caractérisé par le froid, par une humidité moindre et une grande luminosité. Il existe dans le Haut Atlas, le Siroua et les hauteurs du Moyen Atlas. Le Rif qui culmine vers 2450 m à Tidighine est largement en dessous de l’altitude minimale de différentiation de cet étage qui est de l’ordre de 2800-2900 mètres. En Afrique du Nord, il n’existe qu’au Maroc, ailleurs il existe dans la rive nord méditerranéenne sur les hauts sommets de la péninsule ibérique, d’Italie et de Grèce, et en Asie occidentale.

Cet étage est asylvatique, il commence à la limite supérieure des arbres qui varie entre 2800 m dans le Haut Atlas occidental, et s’élève progressivement en allant vers l’est pour atteindre 3200 m dans le Haut Atlas oriental. Le Chêne-vert est l’arbre qui monte le plus haut dans le Grand Atlas occidental, là où le climat est le plus océanique ; ailleurs, c’est le Genévrier Thurifère qui fait la transition entre la zone forestière et le domaine asylvatique

Dans l’étage méditerranéen de haute montagne lui-même, se différentient deux horizons : l’horizon inférieur, qui est le plus important, et où dominent les Phanérophytes épineux en boules ou xérophytes, et l’horizon supérieur habité exclusivement par une végétation herbacée.

L’horizon à xérophytes épineux en coussinets comprend les espèces suivantes : Alyssum spinosum, Buplerum spinosum, Erinacea Anthyllis, Arenaria pungens ; Cytisus Balansae entre autres. Le genévrier Oxycèdre et son congénère Juniperus communis peuvent pénétrer dans cette zone, mais par pieds isolés.

L’horizon supérieur à plantes herbacées se différentie à partir de 3800-3900 m d’altitude, aussi n’est-il représenté que sur les sommets du Toubkal et du Mgoun. De plus, sa végétation ne forme pas un tapis herbacé continu, elle est disséminée sur les versants de ces hautes cimes.
  
Cet étage est très riche en espèces endémiques(30 %), dans l’horizon culminal, l’endémisme n’est nulle part plus prononcé (85%). Ainsi, aucune flore des autres étages bioclimatiques, n’est aussi purement marocaine que celle de ces hauts sommets en permanence soumis à l’action desséchante des vents

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